La Grande Traversée 100 miles Sud de France par Guilhem
Salut à tous !
Après quelques courses sans CR, celle-là, je m'en vais vous la raconter...
Mais d'abord, je vais poser le contexte, histoire que vous compreniez bien les conditions dans lesquelles j'ai abordé cette Grande Traversée en Terres Catalanes.
Après le Val d'Aran début Juillet qui ne m'a pas permis de boucler l'objectif de l'année (NB : course arrêtée par l'orga à cause de la météo), l'été s'est plutôt déroulé sous le signe du farniente que de la prépa sportive. Quelques footings, une sortie montage dans le cadre du Championnat du Canigó (33km/2100d+, étape des Golden Trail Series) et c'est tout...
Malgré tout, une petite folie fin Août, je m'inscris sur cette Grande Traversée des 100 miles Sud de France. 95km/5500d+ annoncés ! Je n'en parle pas trop, j'attends de voir comment je me remets parce qu'à ce moment-là, je n'ai clairement pas encore bien récupéré du Val d'Aran…
Ça approche...
J-3 semaines : je choppe le Covid, 3-4 jours bien à plat, grosse fièvre, putain ça calme ! Ça me rappelle des mauvais souvenirs de l'année dernière où j'avais fait la Course des Étoiles en étant malade (Covid aussi), ce qui m'avait valu 3 mois d'arrêt en suivant à cause d'une péricardite...
J-2 semaines : "petite" sortie de reprise, ce sera la 10ème édition du Trail du Cagire et ses 35km/2500d+ que je connais très bien maintenant.
La météo ne sera pas avec nous (pluie, vent, froid) et le test de nouvelles chaussures achetées la veille pas vraiment la meilleure des idées.
J-1 semaine : les enfants s'y mettent
Ma fille fait une pyélo sur le weekend, on passe la nuit aux Urgences pédiatriques, mon fils enchaîne avec une bonne crève.
La semaine qui devait être reposante ne s'annonce pas comme prévue !
Le départ est prévu le vendredi soir à minuit.
Mon oncle me prête un appart à Font-Romeu, non loin de l'arrivée, j'y monte en fin de matinée, une bonne sieste l'après-midi et ça ira bien.
Vous vous en doutez, impossible de bien se reposer, même pas 1h, ça se complique franchement !
Le bus qui nous amène au départ part à 19h, faut prendre une décision. Retour à la maison au vu de tous les signaux qui s'accumulent depuis quelques semaines où on tente le coup ?
Aller, 2h de bus, arrivée 21h, ça laisse du temps pour se poser avant le départ.
Mais les signaux continuent de s'accumuler : Bus et routes sont pourris, retard d'1h, retrait dossard qui traine, bref, y'aura pas de sieste avant le départ, ça craint !
Heureusement je retrouve Nicoach, on discute, ça permet de penser à autre chose, mais je ne suis vraiment pas confiant.
Voilà, désolé pour la longueur de la mise en place, mais tous ces événements ont vraiment conditionnés le déroulé de ma course.
Quelques minutes avant minuit ! On est dans le petit peloton (300 coureurs annoncés) derrière l'arche de départ avec Nicoach, mine de rien, l'envie est quand même là !
Ça part tranquille, un petit bout de plat pour commencer, ça va pas durer !
Je perds rapidement Nico qui part à son rythme (rando, bien sûr...)
Vivement que le peloton s'étire un peu, avec toutes ces frontales, j'ai pas l'impression de courir de nuit et c'était quand même un des atouts principaux de cette course !
On attaque la première bosse, en gros 12km/1200d+ jusqu'à Blatère, le premier ravito. Je suis plutôt pas mal, les sensations sont bonnes, même si je sens bien que ça ne tiendra probablement pas jusqu'au bout. J'arrive à Blatère en 2h30, 155ème, plutôt content, ravitaillement rapide, je sais qu'il a un autre point d'eau pas très loin au refuge des Estanyols.
Sortie du ravito, ça continue de monter, encore 2km/200d+ environ puis ce sera la descente sur les Estanyols
Le peloton s'est bien étiré, je suis tout seul, j'aperçois quand même assez loin les frontales de mes prédécesseurs et suiveurs. C'est ça que je suis venu chercher !
Euh... Par contre, c'est quoi ces aboiements !? Ne serais-je Patou seul finalement (pour ceux qui ont la ref )
On nous avait effectivement prévenu, il y aurait des troupeaux et leurs chiens de protection dans ce secteur.
Je me retrouve donc sur un chemin en dévers, de nuit, avec 3 Patous à gauche et le troupeau de brebis à droite, parfait ! C'est quoi déjà les consignes ? Ne pas passer entre le troupeau et les chiens ? Nickel...
N'étant clairement pas le premier couillon avec une lampe sur le front qu'ils doivent voir, les chiens aboient mais me laissent passer (telle la caravane) sans même venir me voir, ouf !
La redescente vers le refuge n'en finit pas, +2km que ce qui était annoncé ! Si c'est comme ça pour tous les repères, va falloir s'adapter...
En échange, au point d'eau annoncé, on retrouve 2 gars dans un refuge, grosse marmite de soupe sur le feu, boissons au choix, café, le luxe ! (Bières et vin pour eux, ils ont bien raison !)
Aller, on s'attarde pas trop, c'était pas censé être un "vrai" ravito, le prochain c'est le refuge des Cortalets (au pied du Canigó) qui sera le point culminant de cette course et le début de la descente vers la base de vie de Vernet-les-Bains. L'orga nous a annoncé entre 2 et 4 degré là-haut, mais pour l'instant, il fait plutôt bon et la nuit est superbe, pas de nuages, les étoiles, j'avais hâte de passer une nuit dehors en montagne, je suis servi.
C'est reparti pour 10km/800d+.
Et c'est là que ça se gâte ! La fatigue commence de plus en plus à se faire sentir, j'ai vraiment envie de dormir. Je ne sais pas si c'est lié, mais je n'arrive pas à manger, rien ne passe à part les liquides (c'est déjà pas mal !)
J'arrive aux Cortalets dans un sale état. Un zombie, je dors debout ! J'ai mis pratiquement 4h pour faire 15km/1100d+, 8 place perdues, pas si pire. L'orga n'a pas menti, il caille sérieusement !
En allant chercher un bol de soupe à l'intérieur du refuge, un bénévole nous dit qu'il y a des lits à l'étage si on veut, la tentation est grande ! Il fait tellement bon à l'intérieur...
Mais il est déjà 6h30, la barrière horaire est à 10h en sortie de base de vie (dans 10 bornes), il reste une descente plutôt chiante que je connais pour l'avoir faite début Août, je préfère ne pas trop m'attarder.
Plus j'avance dans cette descente, technique par endroit, raide, pleine de racines, plus la phrase "je ne repars pas de la basse de vie dans avoir dormi" se transforme en "je ne repars pas de la base de vie" .
J'arrive à la base de vie à 8h30, j'ai gagné 4 places.. Non, je n'ai pas repris du poil de la bête, je suis juste pressé de pouvoir dormir. J'ai 1h30 avant de ne plus être maître de mon sort.
Je discute avec un bénévole, le bus pour les "abandoneurs" en direction de l'arrivée est à midi. Je décide d'aller dormir, tant pis pour la bouffe, de toutes façons ça passe pas, et j'aviserai au réveil. Je me réveille à 9h30, pas vraiment l'impression d'avoir dormi, y'a grosse ambiance ici ! Mais je me sens vraiment mieux.
Un œil sur le profil à venir, environ 30km/1300d+ avant la prochaine BH à Olette, 2 bosses pas très longues, du vallonné, ça devrait passer, on verra ce qu'on fait à Olette.
Un coup d'oeil sur les messages des copains, de la conf Taras, de la famille, ça fait du bien ça !
Lycra manches courtes, chaussettes propres, un coup de Nok© sur les pieds, le temps de remplir les flasques, une barre de céréales et une compote attrapées à la volée et je sors de la base de vie à 9h50, je suis large ! C'est parti pour 10km/600d+.
On emprunte là-aussi les mêmes traces que sur le Championnat du Canigó sur les 3-4 premiers kilomètres en repartant de Vernet-les-Bains, je sais à quoi m'attendre, un peu de route, un peu de piste forestière, ça monte tranquillement, pas de réelle difficulté pour redémarrer, ça me va.
Je pars en marchant et en mangeant. Ça passe bien, j'arrive à manger, ça me fait envie, ça fait du bien au moral !
Un dernier bon coup de cul (2-3km à 15/20%) et on descend sur le village de Py, lieu du prochain ravitaillement.
Là aussi, le ravito arrive avec 3km de plus que sur les prévisions du roadbook, ça râle à l'arrière du peloton.
Mais il y a du monde au bord des routes, ça encourage, ça applaudit, c'est sympa ! On voit bien qu'on arrive dans un petit village où l'animation doit être assez rare...
Très bonne ambiance au ravito, musique, des jeunes bénévoles qui te prennent les flasques pour les remplir, on est des zélites ou quoi.
Il est 11h35, j'ai perdu 20 places depuis mon arrivée à Vernet, pas si mal vu la pause que j'y ai faite ! On est à un peu plus de la moitié de la course en terme de distance et de dénivelé, jusqu'ici tout va bien (enfin, on se comprend).
Juste un peu triste d'avoir raté Jay-Jay mais bon.
Ça repart ! Au programme 11km/550d+, dont la plus grosse partie du dénivelé sur les premiers kilomètres.
Toujours difficile de sortir d'un ravito et d'attaquer direct par un mur ! Le soleil est bien sorti, il commence à faire chaud.
Je pars tranquillement avec une nana et un gars du 170 rencontrés au ravito, Valentine et Geoffrey, ça faisait un moment qu'on se doublait. On discute, on fait connaissance, ça fait passer le temps.
Je me rend compte au bout d'un petit moment qu'on n'entend plus Valentine qui pourtant n'arrêtait pas de tcharer.
Je me dis qu'elle est juste un peu dans le dur. Quand je me retourne, je ne la vois plus, mince, elle a complètement décroché.
Tant pis, je préfère ne pas casser ma lancée, on se retrouvera bien à un moment.
Fin de la bosse, petite pause pour boire un coup et se redresser, pas de Valentine en vue, tant pis, on verra une fois passé le prochain ravito avec le suivi live.
On trottine bien avec mon nouveau copain Geoffrey, tranquillement on tient notre petit rythme sur ce morceau plat/descente jusqu'à Escaro. Lui est sur le 170, ils sont parti le vendredi à 10h du matin, il n'a pas dormi, j'admire... On arrive à Escaro, il retrouve sa femme qui le suit avec son ravitaillement perso et moi... Beh toujours pas de Jay-Jay Encore raté...
Il est 13h50, je suis 167ème après 60km/3500d+ et ça va toujours
À croire qu'ils sont taquins, mais encore une fois, le départ du ravito se fait par une bosse :
Elle se passe bien, 2km à 10-15%, ça va, on prend l'habitude
S'en suit une longue descente sur Olette, interminable ! Beaucoup de pistes forestière, on peut courir..
Et c'est là que la fatigue de l'organisme va commencer à parler. Un genou et un tendon d'Achille qui commencent à couiner, obligé de marcher de temps en temps pour laisser refroidir, de raccourcir la foulée pour limiter l'amplitude, mais dans l'ensemble, en serrant un peu les dents, ça se passe pas trop mal !
Arrivée à Olette à 15h30, la barrière horaire est à 18h30, 13 places de mieux, je suis 154ème. Assez content !
C'est là qu'il va falloir prendre une décision... Comme vous aurez compris, la sortie du ravito se fera par ... Une bosse bien sûr ! Une jolie bosse même ! 12km/1400d+. À jeun c'est déjà pas mal, après tout ce qu'on vient de se cogner, ça va piquer. Mais c'est la dernière, une fois qu'elle sera passée, ça déroule jusqu'au bout. Enfin le bout, il est quand même dans 30 bornes Avec 1700m de dénivelé...
Je me prends une bonne demi-heure, je mange bien, je bois bien, il faut chaud.
Un petit tour sur WhatsApp pour booster le moral, le casque dans les oreilles (enfin, à côté, #conductionosseuse, je crois que c'est le moment de sortir la musique et c'est parti !
Bon, sans surprise, ils nous avaient pas menti ! Enfin pas trop.. On m'avait dit qu'elle était facile cette côte car progressive, continue, pas de changement de rythme. Mouai... Tout n'est pas faux. Elle est progressive et continue, c'est vrai. Facile par contre !? On est pas tous de cet avis ! On est en plein soleil et ça grimpe quand même pas mal ! Je sais ce qui nous attend, j'avance tranquillement, petit rythme mais sans m'arrêter. Et pour pas changer, le ravito annoncé à 8km sera plutôt au bout de 10. Vous me direz, on n'est plus à 2km près... Beh franchement, 2km à 15-20%, si, ça compte !
Arrivée au ravito de Llar, des saucisses qui grillent, des cacahuètes, oh putain, ça sent la fin ça.
Pour certains aussi d'ailleurs, un mec plus blanc que son tee-shirt redescend en voiture avec sa famille, une nana, exténuée et démoralisée par les kilomètres bonus arrive en pleurs, jette ses bâtons et s'écroule... Moi ça va, toujours 154ème, 18h de course. J'ai perdu mon nouvel ami Geoffrey, il a explosé en route, obligé de s'arrêter.
Un coup d'oeil sur le live, Valentine a abandonné à Olette, merde. Du coup, j'ai bien fait de pas trop l'attendre.
Quelques morceaux de saucisse grillée et quelques verres de Coca plus tard, il est temps d'y aller.
Le prochain et dernier ravitaillement est à Sauto, environ 10km/650d+, tout le dénivelé sur la première moitié.
En repartant du ravito (ça monte toujours, c'est une constante, vous l'aurez compris ), je rattrape un coureur sans bâtons. Oh putain ! Un congénère ! Je me calle à son rythme, on discute, il est réunionnais et rêve de retourner sur son île pour faire la Diag', il est là pour prendre des points. Un petit replat dans les bois nous fait croire être arrivés au sommet de la dernière bosse, je crois que le dernier coup de cul qui suivra lui aura fait beaucoup de mal, je ne le reverrai plus avant l'arrivée.
La descente sur Sauto est (encore une fois) interminable, la nuit est tombée, on devine bien quelques lumières qui pourraient être un village, mais c'est sur l'autre versant, en face, c'est pas possible c'est trop loin ! Ah beh si, c'était là en fait...
Le roadbook l'annonçait au km 82, ce sera 86... Le genou couine toujours en descente, j'avoue que je commence à vraiment avoir envie d'arriver !
Il est 20h30 quand j'arrive au ravitaillement, 150ème. Malgré les douleurs, la fatigue, je gratte encore quelques places. J'arrive à trottiner, par intermittence à cause de ce genou, mais c'est toujours mieux que ceux qui ne peuvent plus du tout.
Un petit quart d'heure pour récupérer, on s'en fout du chrono de toutes façons !
Je sais que c'est fini là, enfin, je sais que je vais finir ! Je repense à toute cette journée, à mon état d'esprit sur la première partie, à quel point j'étais sûr de rendre mon dossard à Vernet pendant pratiquement les 40 premiers kilomètres et me voilà là, à 10km de l'arrivée !
Un bénévole nous prévient que le profil est pas tout à fait juste (ah bon !?) et qu'il y a 400m de d+ sur les 4 premiers kilomètres en sortant du ravito, puis un long faux plat montant pour terminer mais pas vraiment courable, des cailloux, etc.
On verra bien, c'est parti ! Je repars seul de ce ravitaillement, 2 mecs en cible à quelques centaines de mètres devant moi.
Pas tellement que je veux les doubler, mais ça me permet de maintenir un peu de rythme.
Au final, je ne serai pas vraiment d'accord avec le dernier bénévole, ça ne monte pas autant qu'il le dit au départ, le faux plat est long c'est vrai, mais courable. Mais long !!
Je double mes 2 cibles qui ne courent plus et raccroche un autre coureur du 170 qui trottine encore.
On longe une route pour finalement rattraper les pistes de Pyrénées 2000, vraiment pas la partie la plus sympa du parcours, d'autant plus de nuit..
J'entends le speaker quand mes 2 ex-cibles me doublent limite en sprint, allez-y les gars, vous l'aurez votre 147ème place
Puis 2 nanas, vraiment au sprint pour le coup !! J'apprendrai après que ce sont les 2 premières féminines du 100 miles. Je me disais bien qu'elles étaient trop bien gaulées pour être à mon niveau.
Puis l'arrivée au Termanal de Bolquères-Pyrenées 2000, l'arche d'arrivée est à l'intérieur du gymnase, un peu déroutant, mais tellement bon !!
Putain, je l'ai fait ! Je suis arrivé au bout et c'était pourtant pas gagné ! Trop heureux !
J'en termine en 22h30 (dont 4h30 à l'arrêt selon Garmin !!), à une anecdotique 149ème place.
La suite classique, quelques bières, trop vu mon état, on retrouve des têtes connues rencontrées le long du parcours, on refait la course, encore quelques bières...
Puis une douche bien chaude et un gros dodo, parce que mine de rien, ça fait un moment que je n'ai pas vraiment dormi.
Voilà mon "petit" CR pour ce gros chantier de fin d'année. Une année bien remplie, pleine de péripéties.
Désolé de la longueur, tellement de choses à dire ! Réservez cette lecture à une longue soirée d'hiver
La bise à tous
PS : @Nicoach, moi j'ai les points pour la Réunion (mais pas les cannes !)
Guilhem